Accord de défense : ma réponse au Collectif pour le changement (CPC)
D’emblée je salue cet acte patriotique de ces jeunes leaders politiques regroupés au sein du Collectif pour le changement (CPC). En tant que politiques, ils veulent conjuguer leur savoir-faire pour donner des propositions de sortie de crise au problème du nord du Mali et notamment de la région de Kidal. Pour rappel, ce regroupement est né après le premier tour de l’élection présidentielle de juillet 2013 pour soutenir IBK au second tour. Ce collectif, amené par mon grand frère de quartier M. Racine Thiam secrétaire à l’organisation du CPC et non moins président du parti CAP (Convergence d’actions pour le peuple), ce natif de Baladabougou Sema I qui n’est plus à présenter sur la scène politique ni sur le secteur privé après un parcours honorable à la direction de communication de Orange-Mali.
Le CPC demande aux autorités maliennes d’accélérer rapidement la signature de l’accord de défense avec la France (lire annexe I).
L’initiative est à saluer, surtout pendant ce moment turbulent de l’histoire de notre nation. Le Mali a besoin de l’ensemble de son l’intelligentsia, surtout celle de la sphère politique, de tous ses fils et filles, de tout bord de l’intérieur comme de la diaspora.
A travers ces quelques lignes, j’aimerais formuler une objection par rapport à la proposition faite par les membres du CPC. A mon humble avis, l’initiative en soi n’est pas mauvaise, mais je constate une lecture sélective et restrictive de l’histoire franco-malienne et une omission d’envergure dans leur proposition de sortie de crise.
Une lecture sélective et restrictive de l’histoire franco-malienne
Le CPC dit dans sa proposition, je cite « A la veille de l’intervention française en janvier 2013, si la France avait exigé la signature de l’accord de défense avant d’intervenir à Konan, quel Malien allait refuser ? ». Certes, il est vrai que personne n’allait dire non. En se basant sur cet événement pour exiger la signature d’un accord de défense est pour moi une lecture sélective et restrictive de l’histoire franco-malienne. La France ne pouvait pas nous exiger cela, car elle nous doit et beaucoup.
Rouvrons les pages de l’histoire, remontons l’histoire de la même manière que la France est venue nous aider pour stopper l’avancée des djihadistes à Konna, mais de cette manière nos ancêtres sont aussi aller libérer la France, je parle ici sous la couverture des tirailleurs sénégalais. En 1947, ce n’est pas le général Leclerc, le prestigieux chef de la 2e division blindée, qui avait réclamé que la France s’acquitte pleinement et sans marchander de la dette d’honneur qu’elle avait contractée auprès des tirailleurs. Au moins pour nous, une demande officielle avait été adressée au président François Hollande par son homologue malien le Pr Diouncouda Traore. Lorsqu’on relit l’histoire, on se rend compte que nos ancêtres ont été enrôlés de force, contre leur gré, ils sont partis et ils ont vaincu. Aujourd’hui si cette même France est venue nous aider pour la libération du septentrion malien, personnellement, je trouve cet acte comme un acquittement de la dette d’honneur qu’elle avait contractée auprès des tirailleurs d’après le général Leclerc.
Une omission d’envergure
Mes très chers grands frères, je suis au regret de constater que vous n’avez pas demandé à ce que le draft de cet accord de défense passe devant les élus de la nation. Nous sommes dans une République, et de surcroît dans une démocratie, je pense qu’il fallait demander aux autorités un débat parlementaire avant que les deux parties n’avalisent cet accord de défense. L’Etat ne peut pas se permettre de signer un accord de défense dont le contenu est totalement méconnu pour la population et pour les élus de la nation.
Conclusion
Nous ne sommes pas contre la signature de l’accord de défense, mais pour que cet acte se fasse dans les règles de l’art. Je vais me répéter une fois de plus, dans la guerre contre les djihadistes, nos pays africains (Afrique noire) sont en déphasage. Nous sommes témoin du cas du Nigeria une puissance en Afrique avec plus de 20 millions de personnes disponibles au service militaire, mais qui peine à se défaire des intégristes du Boko Haram. Au Niger il y a une année, il a fallu l’intervention de l’aviation française pour tuer quatre djihadistes qui avaient pris le contrôle d’un camp militaire. En Somalie, depuis presque dix ans les forces armées des pays africains ne parviennent pas mettre fin à la présence des intégristes. Au Kenya en septembre 2013, un commando de cinq personnes avait le pris le contrôle de West Gate Mall cinq jours durant.
L’Afrique noire a besoin d’une armée républicaine, rénovée, loyale, équipée pour faire face à cette nouvelle forme de terrorisme chez nous. Pour cela, comme on n’a pas la technicité ni capacité requise pour ces besoins, il nous faut des accords de défenses avec les grandes puissances militaires (Etats-Unis, Russie, France…).
Hic et nunc, après les multiples débandades des Fama, les Forces armées maliennes, je le dis urbi et orbi que le Mali a besoin d’un accord de défense, mais que la signature se fasse dans les règles de l’art.
Lire également en annexe II mon premier article sur l’accord de défense franco-malien.
Vos suggestions et critiques sont les bienvenues.
Une contribution de votre jeune frère
Issa Balla Moussa Sangaré
Washington DC, le 06-06-2014
Annexe I : Accord de défense entre le Mali et la France : Le Collectif pour le changement demande d’accélérer sa signature
Le Collectif pour le changement (CPC), regroupement des jeunes candidats né après le premier tour de l’élection présidentielle de 2013, pour soutenir IBK au second tour, demande aux autorités maliennes d’accélérer rapidement la signature de l’accord de défense avec la France. La proposition a été faite par les animateurs du collectif, le 3 juin 2014, à la Maison de la Presse lors d’une conférence de presse dont le but était de faire des propositions de sortie de crise à l’opinion nationale, aux autorités par rapport au problème du nord du Mali, surtout Kidal.
Les principaux animateurs du collectif sont : le président (Siaka Diarra), son vice-président (Sibiri Koumaré), son porte-parole (Ousmane Benfana Traoré), son secrétaire adjoint (Billy Touré), son secrétaire à l’organisation (Racine Thiam). Pour le CPC, sa décision d’inviter les autorités à signer l’accord de défense n’a pas été prise au hasard. « Nous sommes des politiques. Si nous avons pris cette décision, on pense connaître les tenants et les aboutissants de l’accord. Il est donc de notre devoir d’apporter à l’opinion et aux autorités notre point de vue sur une question cruciale de la nation. Nous pensons que sa signature est bien pour notre pays. Nous estimons que l’accord de défense n’est pas contre l’Etat, contre le Mali. Il explique deux choses : coopération de défense et de sécurité. On pense qu’il vaut mieux signer un accord dans ce sens. Car la crise qu’on vit est multiforme. Nous ne combattons pas un seul Etat, mais des narcotrafiquants, des djihadistes, et des terroristes. Avec l’accord, nous serons soutenus sur les plans d’intervention, de sécurisation, de renforcement en équipements », a souligné Racine Thiam.
A la veille de l’intervention française en janvier 2013, a-t-il ajouté, si la France avait exigé la signature de l’accord de défense avant d’intervenir à Konan, quel Malien allait refuser? Nous pouvons donc signer l’accord, et le jour où il sera remis en cause, nous allons le casser.
En plus de cette proposition importante, le CPC a désiré la mise en place rapide d’un mécanisme de négociation. Pour une garantie effective de la sécurité des populations, il a proposé de veiller à la création de meilleures conditions de retour des populations déplacées et réfugiées en vue de renforcer la cohésion et l’unité nationale; de mettre en place un dispositif immédiat dans le cadre du cantonnement et du retrait des armes dans les régions du Nord-Mali, pour la protection et la sécurisation des populations et leurs biens. Le CPC a aussi sollicité pour la réhabilitation de Kidal, de permettre aux citoyens de Kidal d’exercer leur occupation, avec une administration malienne complètement redéployée, sous une décentralisation effective, adaptée et des institutions crédibles. Pour l’installation d’un mécanisme d’alerte, de suivi et d’évaluation, le CPC sollicite la mise en place d’une cellule de suivi et d’évaluation du processus de sortie de crise avec les groupes armés sous la responsabilité du « haut représentant » du président « pour le dialogue inclusif inter-malien ».
Hadama B. Fofana
Source : Le Républicain du 4 juin 2014
Annexe II : Mali : la mémoire de Modibo Keita trahie à jamais
Que représente le 20 janvier pour le Mali et notre armée nationale
Le 20 janvier 1961, le président Modibo Keita convoqua dans la salle du Conseil des ministres de Koulouba ,l’ensemble des corps diplomatiques devant lesquels y compris l’ambassade de France. Il s’adressa au pouvoir français à travers son ambassadeur pour évacuer les troupes françaises du territoire malien. C’est la commémoration de ce discours de notre premier président prononcé devant les corps diplomatiques le 20 janvier 1961 que nous célébrons comme fête de l’armée et non comme le jour de l’évacuation du dernier soldat français du territoire malien. C’est le 5 septembre 1961 après la descente du drapeau colonial français que le dernier le soldat français quitta le Mali. Et c’est ce même jour à la base aérienne de Bamako que le général Soumaré commanda à son tour la montée du drapeau malien pour l’éternité; moment de joie et de fierté.
Reconnaître la vérité c’est aussi être homme
Il faut reconnaître que dans la guerre contre les djihadistes, nos pays africains (Afrique noire) sont en déphasage. On constate comment le Nigeria peine à se défaire des intégristes du Boko Haram. Au Niger il y a six mois il fallut l’intervention de l’aviation française pour tuer quatre djihadistes qui avaient pris le contrôle d’un camp militaire. Chez nous au Mali on est entrain vivre les mêmes expériences. En Somalie, pendant presque dix ans l’armée africaine n’est pas parvenue à mettre fin à la présence des intégristes. Au Kenya, le mois de septembre passé un commando de 5 personnes avait le pris le contrôle de West Gate Mall pendant cinq jours durant. Dans les coulisses on dit que les agents secrets israéliens étaient sur place pour aider l’armée kényane.
L’Afrique noire à besoin d’une armée républicaine, rénovée, loyale, équipée pour faire face a cette nouvelle forme de terrorisme chez nous. Pour cela, comme on n’a pas la technicité ni la capacité requise pour ces besoins, il nous faut des accords de défense avec les grandes puissances militaires (Etats-Unis, Russie, France…).
Maintenant, pourquoi la signature d’un accord de défenses le 20 janvier 2014 ?
Comme j’ai l’habitude de le dire, nos descendants ont des droits sur nous. Oui à un accord de défense, mais pourquoi spécialement le 20 janvier, le jour de la fête de notre armée nationale, est-ce pour trahir la mémoire de Modibo Keita ?
L’histoire est en train de se répéter, on va signer l’accord et c’est après que le peuple prendra connaissance du contenu. Mais comment ? Qui est dupe ?
On vient tout juste d’élire nos parlementaires, alors pourquoi cet accord ne passe pas devant l’Assemblée nationale avant d’être paraphé par les deux parties.
La bonne gouvernance commence par le respect de la Constitution, alors conformément à l’article 70 de la Constitution de la République du Mali de février 1992, que les « hauts d’en haut » amènent cet accord devant le Parlement national.
10/12/2014
Issa B.M Sangaré
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