L’acculturation malienne
Depuis 1968, le Mali assiste à une perte collective de ses repères et à une instrumentalisation de son histoire.
L’histoire postcoloniale du Mali est et reste un fait très méconnu par la population malienne et singulièrement la jeunesse. Cette déculturation a atteint son summum le 19 janvier 2015, en effet, dans son allocution (voir annexe), le président Ibrahim Boubacar Keita a laissé entendre je cite : « Le 20 janvier 1961 est perçu comme marquant le départ du dernier soldat français. » Que nenni ! Comment le président IBK peut-il confondre le 20 janvier 1961, la fête de l’armée et le 5 septembre 1961 la date de départ du dernier soldat français du sol malien ? Diantre est-il conseillé ? Comment pouvez-vous comprendre qu’en 2015, cinquante-cinq ans seulement après l’indépendance, le président de la République, celui-là même qui se dit historien, n’est pas en mesure de donner la différence entre ces deux dates et événement historiques : la fête de l’armée (20 janvier 1961) et le départ du dernier colonial (5 septembre 1961).
Et pourtant, lorsqu’on pose aux Maliens, la question suivante : Quel évènement majeur s’est-il passé en 1235 ? Sans hésitation, principalement, ceux qui ont le niveau CEP (Certificat d’études primaires) répondront : la bataille de Kirina qui s’est soldée par la victoire de Soundjata Keita sur le Soumaoro Kanté. Pire, demandez à tout élève malien qui, a eu son baccalauréat l’auteur de la phrase : « La France a perdu une bataille, mais la France n’a pas perdu une guerre. » Il répondra aisément que c’est l’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle sur les ondes de la BBC (British Broadcasting Corporation) depuis Londres.
Les dates et les événements de 1235 et 1940 sont suffisamment connus, mais les faits postcoloniaux, surtout les événements historiques tels que : la fête de l’armée du Mali et le départ du dernier soldat français qui font et qui faisaient la fierté de nos pères de l’indépendance restent et demeurent soigneusement occultés, c’est ce que je mets sous le vocable de « l’acculturation malienne. » Il y a eu une véritable opacité sur l’histoire du Mali indépendant, or Amadou Seydou Traore nous dit : « Aucun peuple ne peut se passer de son histoire et toute entorse faite à l’histoire d’un peuple est une agression à l’encontre de son patrimoine, donc de l’un des aspects les fondamentaux de son identité nationale ». C’est juste inadmissible et inacceptable que le Malien a en mémoire la date de la bataille de Kirina soit huit siècles avant l’indépendance et l’appel du 18 juin 1940 et qu’il méconnaît l’histoire récente. Les événements postcoloniaux héroïques font partie intégrante de notre histoire. La présidence de Modibo Keita et l’histoire de la République du Mali l’histoire postcoloniale de notre nation doit être professée à l’école au même titre que l’histoire précoloniale et coloniale. C’est un droit fondamental et primordial pour les tous les Maliens de connaître les actes posés par le président Modibo Keita, le père de la nation malienne.
- Le 20 janvier 1961 : la fête de l’armée du Mali
Le 20 janvier 1961, le président Modibo Keita convoqua dans la salle du Conseil des ministres de Koulouba l’ensemble des corps diplomatiques devant lesquels y compris l’ambassade de France. Il s’adressa au pouvoir français à travers son ambassadeur pour évacuer les troupes françaises du territoire malien. C’est la commémoration de ce discours de notre très cher premier président prononcé devant les corps diplomatiques le 20 janvier 1961 que nous célébrons comme fête de l’armée et non comme le jour de l’évacuation du dernier soldat français du territoire malien.
- Le départ du dernier soldat français
C’est le 5 septembre 1961 après la descente du drapeau colonial français que le dernier soldat français quitta le Mali. Et c’est ce même jour à la base aérienne de Bamako que le général Soumaré commanda à son tour la montée du drapeau malien pour l’éternité; moment de joie et de fierté. Malheureusement, ce jour historique du 5 septembre 1961, le président Modibo Keita était en déplacement à Belgrade pour la première conférence des Pays non alignés. Ci-dessous le télégramme qui lui a été envoyé :
Au Président Modibo Keita -Belgrade- ;
« Parti, peuple et gouvernement sont heureux de t’annoncer évacuation totale territoire par derniers éléments des forces armés françaises, ce jour 5 septembre 1961-stop- Sommes fiers de t’avoir comme guide, et cet événement, que tu as préparé avec tant de détermination, est une victoire de plus remportée par le peuple du Mali et son parti, résolument engagés dans le combat pour la paix, la consolidation de l’indépendance et la construction nationale -Stop- Sommes plus que jamais confiants dans triomphe lutte pour l’Unité africaine et coopération fraternelle avec tous peuples.
Fraternellement »
« Un peuple qui oublie son passé se condamne à le revivre. » Dixit Winston Churchill. Oublier ces deux événements mémorables, ou encore les confondre ne peut être que de l’ingratitude et de l’indécence sur la mémoire des pères de l’indépendance, les libérateurs du Mali, le président Modibo Keita et ses compagnons.
L’enseignement de l’histoire, surtout de la vraie histoire se présente comme une obligation, car celle-ci permettra au Malien d’aujourd’hui de se reconnaître, de se redéfinir, de se comparer au Soudanais d’hier, de se savoir, d’analyser le monde dans lequel il vit,…
L’enseignement de la vraie histoire du Mali ne doit pas être une option, mais une obligation. Nous ne devons en aucune manière accepter de plus que nos dirigeants falsifient notre histoire pour non seulement mieux limiter nos visions des choses, mais aussi pour nous transformer en purs consommateurs.
Démuni de sa vraie histoire, le Mali se retrouve être l’objet le plus manipulable
« Nos descendants ont des droits sur nous »
Washington DC, le 28-01-2015
Issa Balla Moussa Sangaré
Annexe : 54 e anniversaire de l’armée nationale : Message à la nation de SEM Ibrahim Boubacar Keïta, président de la République, Chef suprême des armées (Koulouba, le 19 janvier 2015). Le lien :https://www.koulouba.ml/54eme-anniversaire-larmee-nationale-message-nation-sem-ibrahim-boubacar-keita-president-republique-chef-supreme-armees-koulouba-19-janvier-2015/
La vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=mgVBIqKco4M
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