Non, le saccage des kiosques des commerçants détaillants n’est pas synonyme de développement
Ces dernières semaines nous assistons au Mali à ce qu’on a étiqueté : « Opération Ami Kane » portant le nom de Madame le gouverneur du district de Bamako et l’initiateur du mouvement « Bamako ville propre ou déguerpissement des commerçants détaillants.» Tous les moyens sont utilisés pour rendre Bamako une ville propre car elle abrite le prochain sommet France-Afrique en janvier 2017, et sans préavis ni concertation entre les parties les autorités saccagent les kiosques et les stands des commerçants détaillants sur les grandes artères de la capitale Malienne y compris ceux des rues des quartiers périphériques.
Ainsi le 4 août 2016, l’ancien directeur de cabinet du président IBK, non moins l’ancien ministre de la communication et le désormais propriétaire du Journal du Mali nous dit dans son Edito ‘Dura lex Sed lex’ : « (…) Et si l’action en cours va à son terme, elle pourrait marquer pour l’État le début de la reconquête de pans entiers de son autorité perdue ». Nous disons tout simple Mahamadou Camara, que la reconquête de l’autorité de l’état commencera d’abord par la réinstallation de l’administration Malienne à Kidal. Pis, selon lui les stands détruits ont été construits dans l’illégalité, non Mahamadou Camara, si un bon nombre a été construit sans autorisation légale, par ailleurs plusieurs propriétaires ont leur autorisation d’occupation.
A lire aussi : Mali: Ma réponse au ministre de la communication M. Mahamadou Camara
Dans cette foulée, Mandela Keita un journaliste de l’Agence Malienne Presse sur son compte facebook nous dit : « Ami Kane a le soutien total du président de la République et de tous les Maliens soucieux de l’avenir du Mali. Aucun pays ne s’est construit dans l’informel, synonyme de désordre. Le commerce dans l’informel ne profite à personne à commencer par les commerçants eux mêmes. Je suis étonné de la réaction de certains intellectuels qui essayent de défendre l’indéfendable parce que tout simplement ils veulent que toute action initiée par le régime soit un échec. Honte à eux.» Je me demande quelle définition Mandela Keita donne à l’informel ou le commerce informel. Certes, une partie est dans informel mais la grande majorité de ces commerçants détaillants qui ont eu leurs emplacements détruits ne font point du commerce informel.
- Analysons de près cette histoire, qui sont les propriétaires de ces kiosques et qu’est-ce qu’ils exercent dedans, ont-ils des autorisations d’occupation ? Très généralement ce sont : la masse laborieuse, propriétaires des cabines téléphoniques qui vendent des cartes téléphoniques (prépayées), qui font le commerce des produits cosmetiques, des denrées de premières nécessitées ou encore des pièces rechanges des voitures ou des motos etc. En amont, posons-nous la question s’ils ont des autorisations d’occupation ces commerçants ? La réponse est oui, la mairie donne une « autorisation provisoire d’occupation du domaine public », dans sa recherche l’auteur de ces quelques lignes a pu prendre connaissance du contenu de quelques copies. Cette autorisation exige de l’occupant du domaine public à cotiser annuellement une taxe municipale qui peut varier entre 10.000F CFA et 60.000 CFA ou plus. Il est également stipulé sur l’autorisation qu’elle est provisoire, précaire, révocable à tout moment sans indemnisation et renouvelable par an.
- Je m’inscris en faux contre les propos de Mandela Keita, car plusieurs de ces revendeurs ne sont point dans l’informel. Primo, ce qu’ils revendent très généralement sont des produits qui ont déjà été dédouanés par le paiement d’une taxe à l’entrée des frontières du Mali et c’est ce qu’on appelle la TVA (Taxe sur la Valeur Ajoutée). Secundo, comme stipulé ci-haut, ils s’acquittent annuellement de la taxe municipale pour occupation du domaine public. Tertio, ils utilisent l’électricité et l’eau, ces détaillants payent mensuellement les factures des fournisseurs du courant directement par eux-mêmes ou bien de manière indirecte proportionnellement à ce qu’ils ont consommé lorsqu’ils partagent la consommation avec une tierce personne. A noter également ici qu’ils sont assujettis au moment du paiement à une autre taxe sur les factures de l’électricité. Alors d’où vient ce commerce informel que Mandela Keita nous parle ?
Non, le saccage des kiosques des commerçants détaillants n’est pas synonyme de développement
Bon nombre de Maliens pensent que ce déguerpissement des détaillants est le début d’un soi-disant développement. Non, le saccage des stands des revendeurs ne peut point être synonyme de développement, les indicateurs sont là pour évaluer le niveau développement d’un pays qui sont connus de tous. Prenons juste l’exemple sur le PIB (Produit Intérieur Brut), il est défini comme « un indicateur économique qui permet de mesurer la production économique intérieure réalisée par un pays. Il s’agit donc d’un indicateur qui reflète l’activité économique interne d’un pays. La variation du PIB d’une année sur l’autre permet de mesurer le taux de croissance économique d’un pays. Le PIB mesure la valeur de tous les biens et services produits dans un pays sur une année. » Si seulement si nous avions un baromètre crédible pour évaluer les conséquences économiques de la démolition des stands des marchands, nous saurions su, contrairement à ce que pense beaucoup de gens, que ce mouvement déguerpissement rabaisse notre taux de croissance économique qui est l’opposé du développement.
Conséquences
Déjà à cause de la crise multidimensionnelle que nous vivons depuis 2012, plusieurs entreprises ont été fermées ou ont réduit de manière drastique l’effectif de leurs employés. Ont-ils mesuré la portée de leurs actions nos gouvernants ? Combien de pères ou de mères famille sont désormais au chômage dans un pays où la masse laborieuse est presque à l’agonie ? Et si tous ces désormais sans emplois se reconvertissent en bandits armés dans la Capitale Bamakoise ? Veulent-ils augmenter le nombre de nos disparus ou de morts des jeunes Maliens dans la méditerranée ? En 2015 ce nombre était à plus 300. On nous a longtemps dit qu’un des moteurs de succès de recrutement des jeunes par des djihadistes est le chômage, ont-ils mesuré que la démolition de ces petits commerces, dont les propriétaires n’ont que leurs yeux pour pleurer, pourront être facilement incités vers l’intégrisme, le terrorisme ou la rébellion ?
Dans tout ça, ce qui ne me fait saigner de l’intérieur est l’objectif et la raison de ces démolitions : « L’organisation en janvier 2017 du sommet France-Afrique à Bamako, capitale du Mali. » J’allais être heureux si c’était un programmé de développement bien déterminé et structuré pour les Petites et Moyennes Entreprises (PME) ou Petites Moyennes Industries (PMI) en les relocalisant sur d’autres sites dans le but de décongeler la capitale et de la rendre fluide. L’absence de programme de développement ou de société de nos actuels gouvernants a été béante une fois de plus. Comment peut-on prendre de telles mesures draconiennes sans les procédures d’accompagnement ? Cela nous prouve encore que ce pays là est actuellement régenté par tâtonnement, par amateurisme. Sinon, le bon sens allait pousser nos autorités à une concertation préalable, à donner un délai de préavis aux commerçants détaillants de déguerpir de ces lieux publics, mieux, de les donner nouveaux sites pour faciliter leur réinstallation, mais au lieu de ça on saccage et on détruit tout, la ville de Bamako doit être propre et le reste ne nous regarde point, débrouillez vous. Quel Etat ! Qui est de, surcroit, digérer par un socialiste !
Conclusion
« L’intellectuel ne c’est pas le diplômé, l’intellectuel c’est l’homme intelligent qui étudie autour de lui et qui cherche des réponses aux problèmes concrets de sa communauté, de nation. » Jacqueline Ki Zerbo
En tant qu’intellectuel nous nous donnons très souvent le devoir de réfléchir et d’essayer de solutionner les problèmes auxquels notre continent fait face de manière générale et singulièrement notre pays le Mali. En réalité, faire de Bamako une ville propre n’est mauvais en soi, mais c’est le principe, la manière et le timing qui dérangent dans ce contexte social si tendu, où le tissu social est déjà si fissuré, où tous les indicateurs de développement sont en Orange pour ne pas dire en Rouge, où l’insécurité et le chômage ont atteint un niveau sans précèdent.
Même aux Etats-Unis il y a des stands sur les grandes artères, allez-y à Washington DC sur l’Independence Ave ou la Constitution Ave, non loin du Capital ou la White House vous trouverez des kiosques certaines ambulantes, d’autres fixes ou des charrettes appartenant tous à des petits commerçants. Allez faire un tour à New York dans les rues de Bronx il y a des stands fixes et des kiosques mobiles, allez-y à Accra ou à Dakar, il existe également des stands dans leur Centreville, sommes-nous plus développés que le Ghana ou le Sénégal ? Oh que non, mais et pourtant il y a des kiosques dans leur capitale.
Que les autorités en charge arrêtent les démolitions afin les propriétaires puissent démonter leurs stands qui, de facto, seront réutilisables ailleurs. Nous proposons que des nouveaux sites soient donnés aux commerçants détaillants pour leur réinstallation dans les brefs délais. Partout dans le monde, nous savons tous que c’est dans le Centreville que l’équation l’offre et la demande est plus accentuée, dans l’avenir, que nos revendeurs fabriquent des stands mobiles, remorquables pouvant être amenés de chez eux aux grandes artères et vice versa avant et après les heures de pointes.
Washington DC, le 05-08-2016
Issa Balla Moussa Sangaré
Analphabète Bambara, ne sait ni lire correctement sa langue nationale, ni l’écrire
Commentaires