12 août 2014

Le statut juridique de l’opposition au Mali

L’Assemblée Nationale du Mali, crédit: malijet.com
L’Assemblée nationale du Mali, crédit: malijet.com

« Nous voulons un statut juridique pour l’opposition malienne », réclament certains membres de cette mouvance ? Pourquoi une telle demande comme si l’opposition au Mali n’a jamais eu de statut. A noter que les partis de l’opposition au Mali sont dotés d’un statut juridique depuis l’année 2000. Le 18 juin 2000, l’Assemblée nationale du Mali a délibéré et adopté en sa séance la loi n°00-047 du 13 juillet 2000 portant statut des partis politiques de l’opposition en République du Mali (lire annexe).

L’Etat reste encore la seule vache à lait pour nos politiques

Vraisemblablement, le statut juridique de l’opposition malienne de juin 2000 n’est pas conforme ni à leurs idéaux, ni à leurs statures. De ce fait, la nouvelle opposition malienne s’est battue bec et ongles pour bien réformer, enjoliver, en un mot niveler ce fameux statut juridique à la hauteur, l’aspiration et la manigance de cette opposition.

Qu’est-ce qui a changé ?

En réalité rien n’a changé si ce n’est pas les avantages accordés au chef de l’opposition qui rendra encore notre Etat encore plus budgétivore. Selon le statut révisé : « Le chef de l’opposition est assimilé au 1er vice-président de l’Assemblée nationale. À titre exceptionnel, il dispose d’un cabinet dont la composition, les modalités d’organisation, de fonctionnement et les avantages sont fixés par décret pris en Conseil des ministres. Les crédits nécessaires à la prise en charge du chef de l’opposition et de son cabinet sont inscrits au budget de l’Etat. »

Pour mémoire, une marge non négligeable du budget national est accordée annuellement aux politiques. La loi N°05-047 du 18 août 2005 portant Charte des partis politiques en République du Mali stipule : qu’une aide financière à hauteur de 0, 25 % des recettes fiscales du pays soit versée annuellement aux partis politiques par l’Etat. Cette allocation annuelle peut souvent avoisiner souvent 2 milliards de F Cfa.

En plus du financement annuel des partis politiques, le président de l’Assemblée nationale reçoit mensuellement la coquette somme de 25 millions de F Cfa et chaque parlementaire gagne 2, 5 millions de F Cfa par mois.

Comme quoi, l’Etat reste la seule vache à lait pour s’enrichir licitement ou illicitement. La bizarrerie est que, le Mali est classé par les institutions de Bretton Woods parmi les pays pauvres et très endettés (PPTE).

Bien évidemment, La démocratie, vue comme la forme de gouvernance la plus appropriée de nos jours, ne sert que de moteur à la montée en puissance progressive de plus de manigances politiques et financières au profit des représentants et soi-disant défenseurs de nos populations.

Dès lors, l’individu ordinaire malien pense que la seule mission de la démocratie malienne n’est que de renforcer le fossé de l’injustice, et de l’inégalité sociale. Pire, certains continuent à la concevoir comme une machine de destruction massive des citoyens ordinaires, et d’autres le regardent comme le moyen plus efficace pour perpétuer l’asservissement des plus vulnérables.

Washington DC, le 12-08-2014
Issa Balla Moussa Sangaré

Annexe :Loi n°00-047 du 13 juillet 2000
Portant statut des partis politiques de l’opposition en République du Mali
L’Assemblée nationale a délibéré et adopté en sa séance du 18 juin 2000 ;
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Chapitre 1 : Objet et définition
Section 1 : Objet
Article 1er : La présente loi a pour objet de conférer à l’opposition un statut juridique dans un cadre démocratique et pluraliste aux fins de contenir le débat politique dans les limites de la légalité et d’assurer l’alternance démocratique au pouvoir.
Section 2 : Définition
Article 2 : On entend par Opposition un ou plusieurs partis représentés ou non à l’Assemblée nationale, distincts du parti ou de la coalition de partis politiques qui soutiennent l’action gouvernementale.
Article 3 : Elle constitue un élément essentiel de la démocratie pluraliste.
A cet effet, elle est politiquement reconnue, juridiquement protégée et a, en conséquence, des droits et des devoirs.
Chapitre 2 : Droits et devoirs de l’opposition
Section 1 : Droits
Article 4 : Il est reconnu à tout parti ou coalition de partis politiques le droit à l’opposition.
Ce droit s’exerce aussi bien au sein qu’en dehors du Parlement.
Article 5 : Toutefois, tout parti politique appartenant à l’opposition peut participer à la formation du gouvernement ou soutenir l’action gouvernementale. Dans ces cas, il perd d’office sa qualité de parti de l’opposition.
Article 6 : Les partis politiques de l’opposition participent de plein droit à la vie des institutions publiques où ils siègent.
Article 7 : Les partis politiques peuvent être consultés sur les grandes préoccupations nationales sur lesquelles ils doivent se prononcer.
Article 8 : Les partis politiques de l’opposition ont un libre accès aux informations par voie d’audience spéciale dans les ministères et administrations publiques.
L’audience est accordée à la requête des partis politiques de l’opposition ou sur invitation des autorités.
Dans tous les cas, il ne peut y avoir dérogation aux dispositions relatives au secret professionnel et secret défense.
Article 9 : Les dirigeants des partis politiques de l’opposition peuvent recevoir ou être reçus par les membres des missions diplomatiques consulaires et des organisations internationales accrédités au Mali ainsi que les personnalités étrangères en visite régulière au Mali.
Toutefois, ces entretiens ne doivent pas comporter d’engagement contraire aux lois et aux intérêts de la République du Mali.
Article 10 : A l’occasion des cérémonies publiques, les responsables des partis de l’opposition ont droit aux considérations protocolaires et aux honneurs conformément aux textes en vigueur.
Article 11 : Il est reconnu aux partis politiques de l’opposition le droit d’établir des liens et d’entretenir des relations de coopération avec des partis étrangers ou associations politiques internationales dans le respect strict de la souveraineté nationale, des lois et règlements en vigueur,
Article 12 : Les partis politiques de l’opposition ont le droit de s’exprimer publiquement. A ce titre, ils ont accès aux médias d’Etat dans les mêmes conditions que les partis de la majorité. Ils exercent librement leurs activités de presse dans le respect des lois et règlements en vigueur.
Article 13 : Les droits de l’opposition sont inaliénables et imprescriptibles. Ils sont d’ordre public.
Section 2 : Devoirs
Article 14 : Sans préjudice des dispositions de la loi portant charte des partis, les partis politiques de l’opposition, comme tout parti politique, doivent agir en tous lieux et en toutes circonstances dans le respect de la Constitution, des lois et règlements de la République.
A cet effet, ils doivent en particulier :
– respecter les autorités légalement établies ;
– œuvrer à l’instauration d’une culture démocratique par l’information, la formation et l’éducation des citoyens militants ;
– veiller au respect des principes de la souveraineté nationale, de l’intégrité du territoire, de la forme républicaine de l’Etat, de l’unité nationale et de la laïcité de l’Etat ;
– cultiver le principe de la conquête démocratique du pouvoir, l’usage de la non-violence comme moyen d’expression de la lutte politique et le respect des biens publics et privés ;
– cultiver l’esprit républicain et le respect de la règle de la majorité.
Article 15 : L’opposition a le devoir de suivre l’action gouvernementale, de la critiquer de façon objective et constructive dans le sens du renforcement de l’idéal démocratique et du progrès,
Chapitre 3 : Dispositions particulières
Article 16 : L’Etat reconnaît que le choix politique est une affaire strictement personnelle et un droit inaliénable.
Article 17 : Nul ne peut faire l’objet de discrimination ou de sanction administrative en raison de son appartenance à un parti politique de l’opposition.
Article 18 : A la demande du Président de la République, un rapport annuel lui est adressé sur l’application des dispositions de la présente loi. Ce rapport est publié au Journal officiel.
Article 19 : La présente loi abroge toutes dispositions antérieures contraires.

Bamako, le 13 juillet 2000
Le Président de la République,

Alpha Oumar KONARE

Loi 00-047 Statut des partis politiques de l’opposition

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