Lettre d’un jeune africain à Son Excellence Patrice Talon, président du Bénin
Son excellence Patrice Talon
De prime abord, je tiens à vous féliciter pour votre victoire lors de l’élection présidentielle Béninoise du 20 mars 2016, pour la sobriété avec laquelle les cérémonies d’investiture et de passation de service se sont déroulées, enfin pour la promptitude par laquelle vous avez formé votre gouvernement qui nous prouve, d’ailleurs, que vous avez la voracité de vous mettre au travail pour faire de votre projet de société une réalité durant les cinq (5) prochaines années à venir. En tant que panafricaniste, je vous considère comme mon président également, par ailleurs, l’auteur de ces quelques lignes avec d’autres bloggeurs africains ont indirectement fait campagne pour votre personne. A la veille des élections j’ai fait une publication sur mon blog « La Plume de Issa » dont le titre est « Oui, Lionel Zinsou, ce blanc-noir a raison. L’Afrique n’appartient pas aux Africains… » Elle a été reprise par un site d’information en ligne du Bénin : www.beninto.info et lue 1189 fois sur ce même site.

Son Excellence,
Ceci étant dit, le 26 avril 2016 lors de votre conférence de presse avec le président français François Hollande, vous avez laissé entendre : « (…) nous voudrons pouvoir compter sur vous pour nous apporter de la compétence tout de suite parce que le Bénin aujourd’hui est comme un desert de compétences. Notre administration aujourd’hui manque de compétences de manière criarde et en cela nous voudrons pouvoir compter sur la coopération française pour nous appuyer, pour nous donner les moyens d’acheter, de payer, de rémunérer la compétence quel que soit le prix. Malheureusement, il est difficile d’avoir la compétence gratuitement et c’est pour ça que nous utilisons ce terme, nous voudrons avoir les moyens de payer, nous voudrons pouvoir compter sur vous pour nous apporter, nous donner des cadres, pour nous apporter de l’assistance technique pendant quelques mois, quelques années le temps que nous parvenons nous-mêmes à former les cadres que nous avons besoin (…)» Mon président, en tant qu’un panafricaniste convaincu, vos propos ne pouvaient nullement me laisser indifférent et c’est pour cela que j’ai décidé de la prendre la plume pour vous adresser ces quelques lignes.
Son Excellence,
Au lieu de se tourner vers la France pour rémunérer la compétence quel que soit le prix, nous ,la jeunesse africaine, nous aurions aimé d’autres alternatives qui ne vont sûrement pas mettre la souveraineté du Bénin en péril, pour cela nous dessinons les alternatives suivantes :
- Faire venir des cadres français pour épauler l’administration béninoise sera trop facile comme solution, en amont il doit y avoir une évaluation, situer les responsabilités et prendre des mesures nécessaires pour que les mêmes erreurs ne se reprennent point dans l’avenir. Nous devons nous poser des questions comment sommes-nous arrivés là, après 50 ans d’indépendance notre administration recèle un déficit de compétences. Au Mali en 1960 l’année de l’indépendance, ce pays ne recelait que quinze (15) cadres. Le président Modibo Keïta et ses compagnons ont su faire preuve d’intelligence pour mettre leur pays sur la voie du développement tel que par la création de la compagnie aérienne du Mali dont tout le staff était tous des maliens, la réforme de l’enseignement de 1962 qui fut salué par l’UNESCO comme étant l’un des meilleurs projets pour l’éducation crée par un jeune Etat, j’en passe. En 1952 Julius Nyerere rentre d’Edimbourg comme le premier diplômé de Tanganyika, selon Nyerere c’est en 1959 qu’ils se sont vus confiés des responsabilités dans le gouvernement et le 8 décembre 1961 Julius Nyerere et ses compagnons ont conduit le Tanganyika à l’indépendance. Il faut voir le travail abattu par ces hommes en Tanzanie sur le secteur de l’éducation et de l’économie etc. En République Démocratique du Congo, au moment de l’indépendance, le pays ne comptait qu’un seul cadre. Au Ghana, il faut regarder les réalisations du président Kwame Nkrumah et ses compagnons. Pour moi, je perçois la compétence comme le leadership, ce n’est nullement le nombre de cadres ou de diplômés. Si le leadership Africain des années 60s a su abattre des réalisations au lendemain des indépendances de nos pays africains, et que de nos jours nous ne parvenons pas à marcher dans leur sillage, à dépasser leurs limites, la mort dans l’âme, nous appelons la France, l’ancienne métropole à venir à notre secours pour combler le déficit de compétences dans notre administration c’est que le leadership africain de notre époque a échoué, singulièrement celle notre classe politique. René Dumont, dans son livre ‘L’Afrique noire est mal partie’ nous disait : « Je n’ai pas envie de vexer mes amis africains, mais dans la course au développement l’Afrique noire n’a pas couru les premiers mètres et je ne crains qu’elle ne soit pas mal partie.» Mal partie était même mieux car au moins nous avions démarré, en faisant appel au service de la France pour les cadres, je me demande si nous ne sommes pas retournés à la case de départ avec toutes ces universités, docteurs, techniciens, avocats… Je dis qu’il lieu d’évaluer d’abord.
- On nous fait savoir que le nombre de médecins béninois en fonction en France est deux (2) fois plus élevé que ceux-là qui vivent et travaillent au Bénin. Mon président, comme vous l’avez tantôt dit « Malheureusement, il est difficile d’avoir la compétence gratuitement », pourquoi ne pas faciliter le retour au pays de ces enfants de l’Afrique dans leur pays natal qui est le Bénin pour combler le déficit de compétences. Faciliter le retour de ces cadres africains qui vivent en occident a également un prix, un prix en ce sens que qu’il faut mettre en œuvre des programmes d’incitations tels que : des meilleurs salaires, des garanties pour l’accès à des postes administratifs, des bénéfices etc. Ils sont nombreux ces jeunes béninois dans différents secteurs, pour nous il sera sage de puiser dans nos propres ressources humaines d’abord.
- Certes, la France est une puissance, mais il faut avoir le courage de le dire, aujourd’hui, elle est stagnante. Au lieu de demander des cadres français pour quelque mois, quelques années, en tant que panafricaniste, j’aurais aimé que vous vous tourniez vers d’autres pays africains émergents pour que le Bénin puisse apprendre d’eux, de leur progrès, leur développement en un mot leur émergence économique. Cela est faisable, car nous nous rappelons des propos de Kwame Nkrumah qui nous dit dans son livre ‘l’Afrique doit s’unir’ : « (…) en 1958, le Ghana et la République de la Guinée instituâtes un système d’échange de ministres résidents, qui étaient reconnus membres des gouvernements à la fois Ghana et de la Guinée.» Je ne prétends pas dire de copier servilement cet échange de ministres mais de nous inspirer de ce qu’ils ont fait. Mon président, je ne vous apprends pas qu’au lendemain de l’indépendance de ces pays qu’il y avait une sécheresse de cadres, mais ils ont su faire preuve d’intelligence pour inventer des solutions aux challenges auxquels qu’ils faisaient face. Ces pays africains émergents lesquels je fais allusion sont : par exemple le Rwanda, le Ghana, le Kenya, l’Ethiopie j’en passe. Regardez comment le Ghana parvient à se ternir debout sur le plan politique, économique, éducatif au bon milieu des pays francophones qui sont d’ailleurs, à la traine. Regardez la métamorphose imposante du Rwanda en quelques années, que ce soit sur le plan politique, économique et social. Je suis sûr que le président Paul Kagamé sera en chanté de travailler en concert avec vous pour combler le déficit de compétences de cadres dans votre administration et cela pour un coût sûrement négligeable en comparaison au prix que vous êtes prêts à payer pour la France. Regardez la réforme de l’administration Tanzanienne initiée par le gouvernement du président John Mogafuli en un temps record. Pourquoi je privilégie ces pays africains par rapport à la France, la réponse est très simple : nous avons presque les mêmes histoires, les mêmes réalités socio-économiques, les mêmes défis à relever, la lutte contre la corruption, le sous-développement, l’alphabétisation etc. Je reste convaincu qu’il sera plus aisé pour un cadre africain compétent de servir le Benin qu’un cadre français, en sens le dernier ne connait les problèmes qui sont les siens que sur le papier contrairement au premier qui a le même vécu que ses frères du Bénin. C’est le Pr Issa N’Diaye qui nous dit que : « Nous avons été formatés pour devenir des consommateurs de modèles, il nous faut nous transformer en producteur de modèles (…) il faut un réveil des intelligences, le principal défis de l’Afrique, de nos pays, est le défis de l’indépendance théorique. Nous avons le devoir d’être indépendant théoriquement, d’avoir une conscience nationale, une conscience patriotique.»
Son Excellence,
Le panafricaniste Cheick Anta Diop a longtemps parlé de la ‘Renaissance Africaine’, contrairement à ce que beaucoup de gens pense, cette renaissance que prétendait Cheick Anta Diop était la renaissance du génie créateur de l’Afrique et de l’Africain. Ce génie créateur avant la science et la technologie qui construira les pyramides d’Egypte, ce génie créateur qui créa la première université Arabe en Tombouctou où les gens venaient des quatre (4) coins pour apprendre, cette Afrique qui était organisée en société comme où les toutes couches de la société étaient présentées sous nos palabres pour statuer sur les problèmes de notre société, ce génie créateur de l’Afrique qui établie la première constitution de notre planète terre : ‘La Charte de Mandé ou Kouroukan Fouga’ en 1236 avec ses 44 articles qui fut, d’ailleurs, reconnue par l’UNESCO comme patrimoine immatériel mondial le 19 mars 2009. Dans son livre ‘Où est ma société civile ?’ Dr Abdoul Diallo nous fait savoir que quatre (4) femmes ont participé à l’élaboration de la Charte de Mandé pour dire les femmes ont toujours eu une place dans notre société.
Mon président, il n’y pas un modèle commun universel pour aller copier-coller celle de la France, nos réalités sont différentes. A des moments historiques de notre vie nos ascendants ont su créer des modèles propres à eux-mêmes pour face aux défis de leur temps, l’auteur de ces quelques lignes pense que nous avons l’obligation intellectuelle, morale d’inventer des solutions endogènes aux problèmes qui sont les nôtre. Il y a les ressources humaines, nous avons reçu les mêmes enseignements, il nous suffit de réveiller ce génie qui se trouve dans les fils de l’Afrique, ce génie qui dort en nous et pour cela il nous faut juste un nouveau leadership couronné par la volonté politique de nos gouvernants que vous êtes.
Son Excellence,
Vous souhaitant bonne chance pour la réalisation de votre projet de société en réalité pour le bonheur des Béninois, je vous prie de bien vouloir agréer l’expression des considérations panafricaines.

Washington DC, le 04-05-201
Issa Balla Moussa Sangaré
Panafricaniste d’obédience Modibo Keita, Kwame Nkrumah et Julius Nyerere.
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