Avec le Franc CFA, la monnaie coloniale, nous ne sommes pas souverain économiquement
Alassane Ouattara, un laudateur de la monnaie coloniale
Dans sa parution du 08 avril 2016 « Pourquoi la France fixe-t-elle le taux du CFA ? » Le journal Le monde nous dit que le Franc CFA est la dernière monnaie coloniale en activité.
La mort dans l’âme, en marge du forum des marchés émergents à Paris, sur RFI le président Alassane Ouattara, un fervent réactionnaire à ce système monétaire coloniale, n’est pas parti par le dos de la culière pour faire l’avocat de la seule monnaie coloniale en activité, écoutons-le:
« J’ai été gouverneur de la BCEAO, je suis d’ailleurs encore gouverneur honoraire de la BCEAO. Et je peux vous dire que le Franc CFA a été bien géré par les Africains. Donc je demande vraiment aux intellectuels Africains de faire preuve de retenue et surtout de discernement. Si l’on regarde sur une longue période, 25- 30 ans, cette monnaie a été utile aux populations. Les pays de la zone Franc sont les pays qui ont eu la croissance la plus continue sur une longue période, ce sont les pays qui ont eu un taux d’inflation le plus bas, c’est l’une des rares zones où le taux de couverture de la monnaie est quasiment à 100%. Mais écoutez, qu’est-ce que nous voulons d’autre ? Peut-être que c’est le terme « Franc CFA » qui gêne, mais en ce moment-là qu’on le change. Mais sur le fond je considère que notre option est la bonne. »
Alors qu’est-ce cette monnaie coloniale ? Parlons-en!
Le Franc C.F.A. a été créé le « 25 décembre 1945 par la France selon l’article 3 du décret n° 45-0136 et publié au Journal Officiel français du 26 décembre 1945» Il a officiellement vu le jour « le 26 décembre 1945, jour où la France ratifia les accords de Bretton Woods et procéda à sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI).» Son appellation d’alors était « franc des colonies françaises d’Afrique ». Il devient « franc de la communauté française d’Afrique.», et sa toute dernière désignation est le « Franc de la Communauté Financière Africaine» pour les pays membres de l’U.E.M.O.A. et «Franc de la Coopération Financière en Afrique centrale » pour les pays de la C.E.M.A.C. Où se trouve le changement et le développement avec le F C.F.A. ? Avec des petits jeux de mots ici et là ils parviennent à faire dormir l’intelligentsia Africaine, l’élite Africaine nos gouvernants et leaders africains.
La Banque Centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (B.C.E.A.O.) et la Banque des Etats d’Afrique Centrale (B.E.A.C.), ont chacun un Conseil d’Administration (C.A.). Dans chaque C.A. nous pouvons noter la présence des français désignés par la France. Dans ce présent texte nous nous bornerons sur le cas des deux régions de l’Afrique de Ouest et Centrale avec leur banque centrale respective.
Sont-ils réellement indépendants les banques centrales, leur C.A.? Ont-ils les mains libres dans leur gestion politico-économique ? Peuvent-ils réellement répondre aux attentes des Etats membres de leurs banques centrales ? Peuvent-ils véritablement aider ces Etats à se développer ? Qui décide de la politique monétaire ?
Pour répondre à ces questions susmentionnées nous essaierons d’analyser le système bancaire de la Zone Franc dans son volet institutionnel et économique.

Le Droit de veto de la France au sein du Conseil d’Administration
À la B.E.A.C., le conseil d’administration (C.A.) comprend quatorze (14) membres, à raison deux (2) administrateurs pour chaque Etat membre et de deux (2) pour la France. Nous pouvons donc relever ici la présence de la France à travers ses nationaux au niveau d’un des organes de décision qui est: le C.A. Il administre la Banque Centrale et veille à son bon fonctionnement.
En outre de leur présence dans le C.A. de la banque centrale susvisée, la France détient un « droit de veto ». Droit de véto en ce sens que, le C.A. de la B.E.A.C., « délibère valablement lorsque chaque Etat y participant est représenté par au moins un Administrateur[1]» donc à la présence effective d’un Administrateur Français. Pire, ce droit véto s’étend également dans la nomination du gouverneur de la B.E.A.C., car l’article 50, alinéa 1 des statuts de la B.E.A.C. stipule : « le Gouverneur est nommé par la Conférence des Chefs d’Etat de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (C.E.M.A.C.), sur proposition du Comite Ministériel de l’UMAC, après avis du Conseil d’administration statuant à l’unanimité »
Au niveau de la B.C.E.A.O., le C.A. comprend : le Gouverneur de la Banque Centrale, un membre nommé par chacun des Gouvernements des Etats membres de l’U.M.O.A., un membre nommé par l’Etat (la France) assurant la garantie de la convertibilité de la monnaie commune. En effet, c’est pratiquement le même scenario qu’à la B.E.A.C., l’article 82 des statuts de la B.C.E.A.O. souligne que les modifications de ses propres statuts et les autres décisions capitales comme par exemple la création monétaire « doivent recueillir l’unanimité des membres de Conseil d’Administration.»
À la lumière de ce qui précède, nous apercevons que les banques centrales et leurs conseils d’administration n’ont nullement les mains libres dans leur gestion politico-économique, mieux, ils ne sont pas indépendants et la présence des français comme membre du conseil d’administration n’est nullement fortuit.
On peut conclure que la France a un droit de véto au sein des conseils d’administration des banques centrales, en d’autres termes, la France participe dans la politique la monétaire, car, sans aval de ses administrateurs aucune loi ne saura valablement être adoptée au sein du C.A. La France a toujours eu une mainmise sur l’économie et le développement des pays membres de la zone Franc, et cela depuis la création du Franc C.F.A. en 1945 jusqu’à nos jours. Doit-on laisser cette situation notoire de continuer ? C’est cette question qu’il faut se demander.
Les comptes d’opérations des banques centrales auprès du trésor français
Quittons le volet institutionnel, analysons un peu le volet économique et le partenariat entre les banques centrales de la zone Franc et le Trésor Public Français.
En effet, chacune des banques centrales ont un compte courant auprès du Trésor Français, ce compte courant est dénommé « Compte d’Operations ». Cependant, « Le compte d’opérations peut devenir débiteur sans qu’aucune limite ne soit assignée à ce découvert. Lorsque le solde est débiteur, le Trésor Français perçoit des intérêts[2] ». Et vice versa, lorsque le solde du compte d’opérations est créditeur, le Trésor Français verse des intérêts aux Africains.
De la création du Franc C.F.A. en 1945 jusqu’en 1973, les banques centrales africaines étaient tenues de verser sur ce compte la totalité des « avoirs extérieurs » qu’elles détenaient. Pour mieux cerner ce phénomène jetons un coup d’œil sur deux articles de la convention entre la France et l’Afrique de la zone franc : « Les Etats membres conviennent de mettre en commun leurs avoirs extérieurs dans un fonds de réserves de change. Ces réserves feront l’objet d’un dépôt auprès du Trésor Français dans un compte courant dénommé compte d’opérations. [3]» Et « La banque versera au compte d’opérations les disponibilités qu’elle pourra se constituer en dehors de sa zone d’émission.[4] »
A partir 1973, au lieu du versement de la totalité de leurs avoirs, les pays de la Zone Franc étaient alors contraints de déposer au Trésor Français au moins 65% de leurs réserves de change. En d’autres termes, nous pouvons dire que la convention de 1973 se voulait un peu plus tendre envers les pays membres de la B.C.E.A.O. et la B.E.A.C. Et depuis le 26 septembre 2005, ce taux est passé de 65% à 50%.
Intéressons-nous maintenant à la santé économique des comptes d’opérations des banques centrales de la Zone Franc, ont-ils des soldes débiteurs ou créditeurs ?
Les comptes d’opérations de nos deux banques centrales ont chacun des soldes créditeurs auprès du Trésor Français qui, sont théoriquement synonymes de versement d’intérêts aux Africains. Ou sont-ils ces intérêts ? Nous ne sommes pas les seuls à faire cette interrogation. Le regretté Omar BOGON, l’ancien président du Gabon se demandait : « Nous sommes dans la Zone Franc. Nos comptes d’opérations sont gérés par la Banque de France, à Paris. Qui bénéficie des intérêts que rapporte notre argent ? La France ». Mieux, en 2007 l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade n’a pas hésité à dénoncer ce pillage de l’Afrique de l’Ouest : « La B.C.E.A.O. à des milliards placés dans les pays développés. Son rôle n’est pas de placer des fonds pour se faire des bénéfices. Elle n’est pas une banque commerciale ni une banque d’affaires… Elle a de l’argent qui dort. Il faut qu’elle le distribue aux actionnaires. Elle a les moyens de participer au développement des pays membres, mais elle ne le fait pas. Il faut qu’elle change de méthode… Nous allons poser le problème pour que le prochain gouvernement de la banque applique les décisions des chefs d’Etats des pays membres ».
Conclusion : Redevenons souverain monétairement
« Aussi loin que nous remontons dans le temps, l’histoire nous enseigne que le pouvoir politique s’accompagne toujours et nécessairement du droit régalien de battre monnaie, que le pouvoir monétaire est inséparable de la souveraineté nationale, qu’il en est le complément indispensable, l’attribut essentiel.[5] » Modibo Keïta
Les 15 pays de la zone Franc sont les seuls ex-colonies françaises en train utilisés la monnaie coloniale. Sous d’autre cieux, d’autres ex-colonies françaises : le Maroc, l’Algérie et la Tunisie, tous des pays africains, ont leur devise monétaire nationale et cela depuis leur indépendance. Hors de l’Afrique, le Viêtnam, la Syrie tous des ex-colonies de la France ont également leur monnaie nationale, alors qu’est ce qui empêche les 14 pays de la C.E.M.A.C. et la C.E.D.E.A.O. à redevenir souverain monétairement.
En tant des panafricaniste, nous déconseillons que chaque état de membre de la zone franc ait sa propre monnaie, nous proposons que les 14 pays de l’Afrique francophone battent une monnaie unique avec une banque centrale unique, cette monnaie sera garantie par la valeur synthétique des matières premières (Or, diamant, pétrole, le cacao, le chrome, le manganèse, le cobalt …) nous parlons ici sous le contrôle du Pr Nicolas Agbohou auteur du livre ‘la France et le F CFA contre l’Afrique’. Nous proposons également qu’il ait des symposiums économistes africains, spécialiste à la matière pour l’établissement une feuille de route afin d’atteindre l’objectif fixé. Le gouvernement de Modibo Keïta, en 1962 avait tenté l’expérience avec la création du Franc Malien qui était garantie par l’or du Mali et une forte somme d’argent. Les avantages, succès et erreurs de cette aventure pourront servir de tremplin afin nous ayons notre souveraineté monétaire. Si d’autres ex-colonies françaises ont su le faire, nous n’avons point d’excuses, nous devons et pouvons devenir souverain monétairement.
Washington DC, le 18-04-2016
Issa Balla Moussa Sangaré
Panafricaniste d’obédience Modibo Keita, Dr Kwame Nkrumah et Julius Nyerere
[1] Statuts de la BEAC, Article 31.
[2] Institut Technique de Banque (I.T.B.), « La Zone franc », 3ème édition, P. 15. Initialement cité par Pr Nicolas Agbohou, la France C.F.A. et le développement de l’Afrique
[3] Article 11 de la convention de coopération monétaire entre la France et les Etats membres de la B.E.A.C., 13 Mars 1973. Cité par Nicolas Agbohou
[4] Article 2 de la convention de compte d’opérations entre la France et les pays africains de la zone franc. Cité par Nicolas Agbohou.
[5] Discours du président Modibo Keïta à l’Assemblée Nationale le 30 juin 1962
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