Lettre d’un jeune Malien à ses grands frères leaders politiques

3 novembre 2014

Lettre d’un jeune Malien à ses grands frères leaders politiques

« Le nombre de partis politiques n’est pas un bon indicateur de l’état de la démocratie dans un pays » nous disait Gellar en 2005, citant l’exemple du Zaïre de Mobutu Sésé Séko avec 200 partis politiques enregistrés. Qu’en est-il de la situation du Mali ? Avec plus de 150 partis politiques, l’échiquier politique malien est inondé de micros partis politiques qui se créent à tout bout de champ, on dirait des groupements d’intérêts économiques (GIE) ou des Organisations non gouvernementales (ONG).  Ce fléau de balkanisation des partis politiques engendra plusieurs retombées sociopolitiques néfastes telles que :

–         la transhumance politique ;

–         les fiançailles d’essai ;

–          le manque de conviction et de vision ;

–         les mésalliances et alliances contre nature ;

–         le déficit de débats politiques ;

–         le divorce entre l’électorat et ces partis politiques ;

–         le mimétisme des mauvaises pratiques par la jeunesse ;

–         le manque ou l’érosion de la légitimité des représentants du                  peuple ;

Cet état de fait nous amène à nous poser la question suivante : comment les jeunes leaders politiques d’aujourd’hui pourront-ils  assurer la relève de demain ?

Face à ce marasme politique, corollaire logique, de ce qui me fait mal au plus profond de ma personne, j’ai décidé d’apporter ma modeste contribution via cette plume, en conviant mes grands frères leaders politiques, à redresser le cap, avant qu’il ne soit trop tard.

Ainsi, cette lettre interpelle mes aînés de ce grand navire : tous les jeunes leaders sans exception.

Que l’arbre des partis politiques ne cache pas la forêt de la démocratie ! 

Mes très chers aînés, essayons de faire la caricature et la chronologie de deux  vieux partis politiques (ADEMA et CNID) de1991 à nos jours et ceux d’un  parti récent le PDES. L’ADEMA a engendré le MIRIA du regretté professeur Mohamed Lamine Traore ; l’ASMA de Soumeylou Boubeye Maiga, le RPM du président de la République Ibrahim Boubacar Keita et l’URD de Soumaila Cisse. Ces deux derniers ont donné naissance respectivement à la CODEM de Houssieni A. Guido et PACP de Yeah Samake.

Qu’en est-il du CNID de Me Moutaga Tall ? Celle-ci accoucha du PARENA de Tièblé Drame qui donnera naissance aussi au BARA du Pr Yoro Diakité et le MODEC de Konimba Sidibé.

Quant au  PDES, le parti des héritiers de l’ancien président ATT, en moins d’une année, il a engendré deux partis : l’UMAM de Jeamille Bittar et le RTD du Dr Hamed Sow.

Aussi malencontreuse et pathétique qu’elle puisse l’être, cette hémorragie politique continue son bonhomme de chemin. On peut la remarquer dans le comportement de nos jeunes leaders politiques actuels.

Sous l’arbre à palabres, je suis parti collecter des témoignages

Ainsi, ma démarche m’amena auprès de deux grandes personnalités du pays, envers qui mes respects sont sans bornes. Il s’agit du professeur Issa N’Diaye universitaire, ancien ministre et du Dr Soumana Sako, ancien ministre des Finances et ancien premier ministre du Mali. Ici et ailleurs, leur intégrité et leur patriotisme incitent au plus grand respect.

La réponse de Issa N’Diaye à la question posée plus haut donne froid dans le dos. Il a répondu avec l’expression suivante : « Peut-on compter sur les nouveaux jeunes crocodiles qui y ont fait école et paraissent déjà formatés par le système maffieux mis en place et pompeusement qualifié de démocratique ? »

Abasourdi par les propos de l’universitaire, je me suis ainsi rendu chez l’ancien premier ministre, le Dr Soumana Sako. Sans ambages, sa réponse fut cinglante, je cite : « Ces jeunes leaders politiques sont des jeunes loups aux dents trop longues qui n’ont pas fait de preuves, ils sont seulement jeunes physiquement, mais ils ont vieilli mentalement et intellectuellement avant l’âge, ces gens-là, ce sont des imposteurs, des escrocs ». Sincèrement, j’avoue que, j’ai été, totalement, assommé par la réponse de ce dernier.

Toujours, dans la quête de l’information et en vue de trouver une réponse à la même question,  je me suis rendu à Kayes dans la première région du Mali. Dans la capitale régionale,  Kayes ba au bas fond de Nioro du Sahel et de Yelimani, ce fut la même consternation.  Les populations que nous avons rencontrées disent qu’elles ne se reconnaissent plus aux jeunes leaders, surtout, avec leur veste et cravate.

A notre retour de Kayes,  j’ai rencontré un vieux sage de Ségou, habitant dans mon quartier, le vieillard m’a dit que les jeunes leaders politiques actuels n’inspirent pas confiance.

Toujours animé dans le souci de la manifestation de la vérité, le vieux sage de Ségou m’a demandé d’aller en discuter avec un autre vieux sage de Gao. La réponse de ce dernier a été invariablement similaire à celle du vieux de Ségou.

Après,  mes démarches m’ont amené chez une amie de Tombouctou, blogueuse et enseignante de son état.  Elle m’a dit que la révèle politique malienne est pire que l’actuelle. Ces jeunes politiques ne nous rendent visite qu’à l’approche des  joutes électorales.

Dans l’impossibilité de me rendre à Kidal, j’ai appelé un ami kidalois.  Il m’a affirmé que tous ces politiciens sont pareils, les aînés comme les cadets, ils sont tous de la même famille.

Sous le ciel commun, je suis aussi parti à l’écoute de vos jeunes partisans dans la capitale bamakoise. Parmi eux, la plupart sont des amis, des frères, des anciens camarades de classe et des amis virtuels grâce à la magie des réseaux sociaux. Ils affirmèrent qu’à force de suivre vos fréquences incommensurables de transhumance politique, ces jeunes leaders sont devenus comme des moutons égarés ne sachant plus sur quelle agora paître au bonheur du berger, qu’est le peuple.

L’intelligentsia de la diaspora malienne pense que, de nos jours, les partis politiques au Mali ne sont que de l’autopromotion d’un seul homme dans son entreprise.

Ma part de contribution

Blogueur Issa Balla Moussa Sangare
Blogueur Issa Balla Moussa Sangare

Un adage burundais nous dit : « Même aveugle, un œil qui t’aime te pleure ». Il me tenait tant la rédaction de cette lettre. Me taire serait très facile et, de surcroît,  de la pure lâcheté. Je ne souhaite également pas vexer mes grands frères, dont certains m’ont vu grandir dans la même rue ou dans le même quartier. Ne rien faire aussi ou vous tromper par des pseudo propos laudatifs serait encore pire.

Au regard de tout cela, j’ai décidé de prendre ma plume, pour tirer la sonnette d’alarme et interpeller mes grands frères leaders politiques. Ceux-là mêmes qui prétendent combattre le nerf de  tous les problèmes du Mali, la corruption.

Chers aînés, combien d’entre vous sont représentés au sein du Parlement ? Le seul député du parti de Moussa Mara, selon la presse locale, se réclame plus du mouvement Sabati 2013 que du parti Yelema.

Très chers grands frères, s’il s’avère que vous incarnez le changement tant véhiculé ; pourquoi ne pas commencer à bannir ce vieux système « de multitudes de partis politiques » qui ne nous amènera nulle part. Sauf à la promotion d’un homme ou d’un clan.

Certains parmi vous ont hérité des partis politiques implantés à l’intérieur comme à l’extérieur du Mali. Il y en a qui se sont également servis des vieux partis susmentionnés, comme des béquilles, pour arriver là où ils sont aujourd’hui : maires, députés, conseillers ou ministres et, par la suite,  s’en est suivie la création de leurs propres partis.

Très peu d’entre vous ont commencé au bas de l’échelle. En l’espace de 4 années, certains ont connu trois colorations politiques. Mais où se trouve donc la conviction politique dans ces genres de comportement mes chers grands frères ?

Le sage proverbe bambara nous dit : « Ensemble les oiseaux se font entendre, en faisant beaucoup de bruit. » Je pense qu’il est temps de fédérer les bonnes énergies, de créer une synergie autour de votre génération, dans le but de redresser le cap. Je sais que, chacun est libre d’adhérer au parti de son choix, mais pourquoi ne pas essayer un autre modèle. Pourquoi ne pas créer un parti républicain, socialiste ou libéral, organiser des primaires dans le but de choisir un candidat pour l’élection présidentielle ? Les vaincus de ces primaires pourront briguer d’autres postes tels que : la présidence de l’Assemblée nationale, la primature, etc. Je pense qu’il est temps de rationaliser notre jeune démocratie afin de consolider les acquis démocratiques.

A défaut d’une démarche républicaine pour sauver un pays meurtri dans son âme, vous serez tous vus comme  des transhumants politiques qui vont toujours vers les nouveaux horizons à la veille des consultations  électorales; des agriculteurs politiques qui ne rêvent que de la récolte des gratifications militantes; des migrants politiques qui pensent religieusement qu’en changeant autant de vestes politiques, ils tomberont sur une promenade militante fructueuse ; des sprinters politiques qui décarpillent d’ici pour là-bas aussitôt que la défaite se fait sentir.

Je m’arrête là chers aînés, en vous laissant méditer sur ces propos de Modibo Keita : « Nous avons fait, à la naissance de l’US-R.D.A (Union soudanaise- Rassemblement démocratique africain), le serment de donner, s’il le fallait, notre vie à notre pays, notre Parti. Il est clair que donner sa vie, c’est aussi, accepter l’ultime sacrifice. » Il est grand  temps d’arrêter la politique alimentaire ou du ventre et d’abdiquer aussi  la vieille maxime néfaste de 1991 jusqu’à nos jours « les  politiciens maliens de 1991 à nos jours disent au peuple ce qu’ils ne font pas et font ce qu’ils ne disent pas au peuple ». Au risque de se voir sanctionner par le vote sanction ou une insurrection populaire, le peuple somnole, mais son réveil pourrait être brutal pour la plupart d’entre vous sinon mortel.

 

« Nos descendants ont des droits sur nous »

Washington DC, le 03-11-2014

Issa Balla Moussa Sangaré

Citoyen Malien

 

 

 

Annexe : les partis politiques

ADEMA : Alliance pour la Démocratie au Mali

ASMA :Alliance pour la Solidarité au Mali

CNID : Congrès National d’Initiative Démocratique

CODEM : Convergence pour le Développement du Mali

MIRIA : Mouvement pour l’Indépendance, la Renaissance et l’Intégration Africaine

PACP :Parti pour l’Action Civique et Patriotique

PARENA : Parti pour la Renaissance Nationale

PCR : Parti Citoyen pour le Renouveau

PDES :Parti pour le Développement Economique et la Solidarité

RPM : Rassemblement Pour le Mali

UDD : Union pour la Démocratie et le Développement

URD : Union pour la République et de la Démocratie

Yelema : Le Changement

 

 

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